Jadis, mon grand-père était mécano aux ateliers des automobiles belges Imperia situés avenue Ducpétiaux à Saint-Gilles. Cela se passait à la fin des années ’30; le garage représentait également toute la gamme Adler. Mon grand-père était chargé de la remise à neuf et de l’ajustage des fameux moteurs sans soupapes. Le travail se répartissait sur une semaine de 48 heures pour terminer deux moteurs.
Lorsqu’une voiture fumait trop, lorsqu’elle était trop bruyante, ou plus simplement avait parcouru 70.000 kilomètres, elle rentrait au garage pour un entretien complet.
Première étape, d’autres ouvriers avaient pour tâche de retirer le moteur du châssis et de le démonter complètement.
Deuxième étape, les cylindres en fonte aciérée qui ne faisaient qu’un bloc sans chemises sont réalésés. Les tiroirs pré-usinés avaient leur arc à la cote de l’alésage du cylindre. Il ne restait plus qu’à l’ajuster en hauteur, au point mort haut et au point mort bas, au dixième de millimètre. Deux galets reliaient le tiroir à l’arbre à came par l’intermédiaire d’une fourche. C’est ici que se situait une grande partie du talent du mécano: les galets usinés au centième de millimètre devaient former un montage “gras” entre la fourche et la came. Un galet montait le tiroir et le deuxième le descendait. Vous imaginez bien qu’un jeu trop important rendait le moteur bruyant et abîmait les pièces en mouvement. Un jeu trop faible, par contre, les échauffait. Tel était le grand dilemme du “sans-soupapes”.
Pour faciliter les travaux, le vilebrequin était fixé sur un banc de montage, ce qui permettait de tourner le moteur dans tous les sens. Une fois les pistons, les tiroirs, l’arbre à came, les bielles et le vilebrequin remontés, le bloc moteur passait au pré-rodage au banc, entraîné par un moteur électrique. On pouvait ainsi déceler les jeux éventuels ou les échauffements, et y remédier. Si tout allait bien, la pose de la culasse, du carburateur, du delco, etc… terminaient le remontage du moteur. Lorsque celui-ci avait repris sa place sur le châssis de la voiture, un “écouteur” le mettait en marche au ralenti et le sondait de son stéthoscope pour y déceler le moindre bruit.
Si nécessaire, le moteur était redémonté. Si tout allait bien, la voiture quittait le garage aux mains d’un essayeur pour une petite balade de vérification. Mais avant d’être rendue à son propriétaire, l’atelier posait un étrangleur sur le carburateur, pour obliger le conducteur à faire un rodage d’environ 5000 kilomètres, moment ou l’atelier revérifierait le moteur, et en profiterait pour enlever l’étrangleur.
Une semaine bien chargée se terminait, permettant à deux moteurs à tiroirs de refonctionner sans bruits ni fumée …