La tradition familiale aurait voulu que Charles Stewart Rolls, troisième fils de Lord Llangattock, s’oriente vers une carrière militaire, politique ou religieuse. Le jour où il illumina la propriété de Mendre, dans le Monmoutshire, grâce à une installation électrique de sa conception, ses parents durent se rendre à l’évidence que Charles Stewart, brillant étudiant à Cambridge, risquait de choisir une autre voie.
A 17 ans, il arrive en France où il côtoie le milieu de l’automobile en plein expansion, très en avance sur une Angleterre tétanisée par des règles de circulation très strictes. Il sème la panique en rentrant à Cambridge au volant d’une Peugeot 3,3/4 cv à la folle moyenne de 7 km/h. Peu de temps après, il relie Cambridge à Monmouth, soit 255 km en deux jours.
Diplômé ingénieur en sciences appliquées et mécaniques, il vient alors régulièrement en France pour y assouvir sa passion ; Il achète un tandem Bollée, puis la Panhard n°6 victorieuse du Paris-Marseille. Rolls passe alors commande d’une Panhard de course équipée de pneumatiques et se lance dans la compétition: 1er à Biarritz, 2ème de Paris-Ostende, médaillé d’or des 1000 miles de Grande-Bretagne en 1900, épreuve organisée par l’Automobile Club dont il est un des fondateurs les plus entreprenants.
En 1901, il achète une Mors 60cv, qu’il conduit à la 18ème place du Paris-Berlin, puis, toujours à son volant, il bat le record de vitesse du kilomètre lancé entre Maisons-Laffitte et Conflans à la moyenne de 102,976 km/h.
Il publie la même année un traité sur l’automobile. Son Paris-Vienne 1902 se termine prématurément suite à un accident. Il se réattaque au kilomètre lancé sur une Mors 80cv, son record ayant été entre-temps battu par Jarott, et reprend son bien à Clipstone.
Agé de 26 ans, Rolls crée la C.S. Rolls and Co, avec plusieurs amis dont Claude Johnson et Henri Edmunds. Cette société, destinée à importer les Panhard et Levassor en l’Angleterre, aura très vite les représentations Mors, Clément, Minerva, etc… Ces voitures se vendent bien, mais bon nombre de clients aimeraient acheter anglais. Rolls ne trouve pas d’automobile anglaise de classe comparable. Il envisage alors de construire ses propres voitures, mais se heurte à des difficultés techniques.
Orphelin à 9 ans, aîné d’une famille nombreuse, Frederick Henry Royce réussit à monter à Manchester une petite fabrique de grues et de treuils puis se lance dans la construction de voitures de grande qualité. Un de ses premiers clients est un certain Henri Edmunds, ami et associé de Charles Rolls… Edmunds provoque la rencontre Rolls/Royce, et le premier accord, en 1904, porte sur la vente, par la C.S. Rolls and Co, des voitures de marque Royce.
Les deux hommes s’avèrent si complémentaires que le16 mars 1906 naît la marque Rolls-Royce au capital de 60000 livres. Charles Rolls apporte personnellement 10.000 livres, prend la fonction de directeur technique et se réserve la publicité de la marque. Une publicité basée sur ses relations et la compétition.
Il prend régulièrement le volant, pour remporter, par exemple, le Tourist Trophy 1906 à près de 53 km/h de moyenne, au volant d’une 20 hp. Lors du lancement de la Silver Ghost, il décide un raid non-stop allé et retour entre Londres et Glasgow, durant 15 semaines, soit 15.000 miles. Il sera l’un des 4 pilotes de cet exploit qui se déroulera sans le moindre incident.
Mais Charles Stewart Rolls a soif d’aventures et de nouveautés. Il découve en 1906 les joies de l’aérostation, se classant 4ème de la coupe Gordon Bennett des ballons sphériques, puis fait la connaissance des frères Whright, essaie un de leurs avions, ce sera pour lui une nouvelle révélation. Il deviendra rapidement un pilote expérimenté et intrépide, dont l’histoire retiendra la traversée de la Manche, dans les deux sens, le 2 juin 1910, à bord de son biplan Whright. Le 11 juillet 1910, durant un meeting à Bournemouth, la chance le quittera un instant, et son avion, en s’écrasant au sol, fera de lui la première victime de histoire de l’aviation britannique. Né le 27 août 1877, il n’avait pas 33 ans…