Boire ou conduire ?
A la naissance de l’automobile, il n’est pas question d’alcool au volant. La classe laborieuse ne pouvait se payer de voiture, le choix entre boire ou conduire ne se posait donc pas, elle buvait. Dans les milieux aisés, les produits capables de donner un « petit coup de fouet » ne sont vendus qu’en pharmacie. Ils sont sensés combattre la langueur ou l’asthme et toujours la mauvaise conscience. Ces élixirs contiennent bien sûr toutes sortes de substances planantes, telles que l’alcool, le tabac, la quinine, le cannabis, mais il y a tellement de raisons d’avoir un accident d’automobile que l’on ne cherche pas à l’incriminer ces breuvages.
Si dans de nombreux pays on dénonce les méfaits de l’alcool, cause entre autre de nombreux accident du travail, il faudra attendre la prohibition aux USA, dans les années ’20, pour donner à l’alcool l’image d’un produit dangereux, tant pour ses effets directs que pour la santé. Mis la prohibition ne résoudra pas tout, faisant naître un goût d’interdit contre lequel on ne peut rien.
Dans les pays où la vente d’alcool reste permise, les fabricants, via leurs campagnes publicitaires, tentent de se distancier des cafés, tavernes et autres lieux de beuveries. Ils veulent donner l’image de boissons saines, bienfaisantes pour le développement des nourrissons, nécessaire à l’épanouissement sportif et viril. C’est ainsi que des marques d’apéritifs apparaissent au grand jour, en continuant de vanter les bienfaits thérapeutiques de leurs produits. Certains, dont le Saint Raphaël, seront même créés par des pharmaciens ! Les publicités prônant le « coup de fouet » d’un petit remontant avant le départ, auraient fait bondir les responsables actuels de la sécurité routière. Dans les années ’50 on réalise, grâce à la télévision naissante, qu’il y a infiniment plus de spectateurs que d’acteurs. La bière, par exemple, cesse d’être le fortifiant d’une vingtaine de types qui courent sur un terrain, mais plutôt la boisson conviviale des millions de gens qui les regardent.
Source énorme de rentrées fiscales, l’alcool a toujours posé un problème aux Etats qui aimeraient en avoir les bénéfices sans les nuisances. Une fois encore, c’est à la publicité que l’on fait appel pour diffuser d’images horribles de foies et de véhicules en triste état. Le consommateur pense trop souvent que cela n’arrive qu’aux autres et ces arguments contre-publicitaires n’obtiennent pas toujours l’effet désiré. D’autres compagnes sont heureusement bien plus subtiles. Il aura donc fallu plus de 100 ans pour que l’alcool ne soit plus considéré comme un médicament bénéfique ou un fortifiant indispensable. Il reste l’invité incontournable d’une soirée réussie, encore faut-il qu’elle le reste….
JB