Voici encore une photo sortie du tiroir de l’oubli. La voiture est en triste état, les personnes sont inconnues. La photo semble être prise à la mer du Nord, certainement après la guerre. Voici l’occasion rêvée de parler de ce modèle peu courant.

Il s'agit ici d'une Impéria TA, type Hirondelle, carrossée en “cabriolet aérable”. On remarque l'écusson en forme de couronne en haut de la calandre. Elle date d'environ 1935, car les premières TA avaient la calandre moins inclinée et pas encore de bavolets d’aile. Par contre après 1936, le capot n'avait plus des crevés d'aération, mais des fentes horizontales beaucoup plus élégantes.

L'Imperia était l'Adler Trumpf fabriquée sous licence en Belgique. Méconnue, elle était en 1932 la plus moderne du monde! Conçue par Hans Gustav Röhr (1895-1937), un des plus grands techniciens dans la première moitié du XXe siècle, la Trumpf avait des roues avant motrices, utilisant la licence Tracta.

Les essais sur route confirment le côté exceptionnel de la voiture. Silence, agrément de suspension, sûreté et douceur de la direction à crémaillère, efficacité du freinage hydraulique, surprennent les essayeurs, mais ce qui stupéfie les techniciens, c'est la rigidité de l'habitacle, ensemble châssis tubulaire en tôle mince soudé sur la caisse tout acier. On pourrait la qualifier de « pseudo-coque » par opposition à celle que sortira Citroën sur sa Traction avant deux ans plus tard.

L’Adler Trumpf surpassait la Citroën en silence, en agrément de suspension et en douceur de direction. Au niveau du freinage, de la tenue de route et de la rigidité de l'habitacle, les concurrentes se plaçaient à l'égalité. Le moteur de la Trumpf, à soupapes latérale, était moins brillant que celui de Citroën, mais la faute n'en incombe pas à son créateur à qui on avait imposé un moteur qui existait déjà chez Adler. Toutefois, sa boîte à quatre vitesses compensait en grande partie cet handicap, car la Citroën devait se contenter d'une médiocre trois vitesses.

La Trumpf sera fabriquée chez nous par Impéria et en France par Rosengart qui devait faire face à la mévente de la “Supertraction” Rosengart, très chère, 29900 FF, contre 17000FF à la TA Citroën…

Le sort de l’Adler Trumpf aurait pu être tout différent si Hitler l’avait choisie comme “Volkswagen”. Il s’est laissé embarquer dans la tout à l'arrière par Porsche, simplement parce que Hans Gustav Röhr avait commis le crime… d’épouser une Française !

Eric Vandamme