La GT6, Spit du riche ou Jag du pauvre ?
J’avais un professeur d'anglais qui en 1967, prit livraison de sa GT6. Elle était bleue, avait des roues à rayons et fascinait toute la classe. Elle semblait prendre un malin plaisir à pétarader joyeusement en passant à la hauteur des pauvres écoliers, tristement dirigés vers l’arrêt du tram. Je me disais avec philosophie que tout était une question de patience.
La Spitfire avait été présentée au salon de Londres en 1962. Animée par le 1147cc de l’Herald, personne ne s’attendait à des miracles de puissance. En 1963 Michelotti dessine une berline qui emprunte le 2 litres de la Triumph Vanguard. En 1964 et 1965, des Spitfire roulent en compétition. Elles sont recarrossées en coupés, toujours sur des dessins de Michelotti. Vous mélangez toutes ces informations, vous attendez 4 ans, vous regardez un peu du côté du coupé type E et vous secouez le tout, vous y compris. Le cocktail assez explosif qui en résulte est la GT6
On est bien sûr tenté de prendre la Spitfire comme point de comparaison. Il faut dire que le châssis (Et oui, il y en a un!) est le même, preuve pour certains que la Spitfire avait une base généreusement calculée et pour d’autres que la GT6 est construite sur un support un peu faible. Les deux trains viennent eux aussi de la petite sœur mais le différentiel a été renforcé pour supporter l’augmentation de puissance. Les roues sont plus grandes, les freins également. La seule modification de l’architecture tient dans le déplacement du réservoir à essence à l’arrière gauche, alors que transversal sur la Spit, il servait de séparation entre l’habitacle et le coffre. Sa capacité passe de 37 à 45 litres une trop petite différence…
Comme sur la Spitfire le capot les ailes et la calandre sont en une pièce ce qui permet un accès parfait au moteur, mais il est conseillé de trouver de un aide pour le manipuler sans le tordre et surtout éviter que le vent ne s’y engouffre!
Le tableau de bord est central et bien rempli, mais à l’usage certaines commandes telle que la tirette des essuie-glaces s’avèrent peu accessibles. La garniture en bois et le volant gainé de cuir vous mettent rapidement en condition. A l’usage vous constaterez qu’il n y a ni montre ni allume cigare, que les pare-soleil ne pivotent pas et que vous auriez dû prendre l’option chauffage.
Il ne faudra pas attendre l'hiver pour voir la buée envahir le petit habitacle et comme la visibilité arrière est très faible, les rétros extérieurs absents, le pare-brise assez bas et le bosselage du capot bien haut, il faudra donc parfois chercher la route!
L’accès est assez sportif, mais une fois que vous aurez trouvé place au fond du baquet, vous constaterez que le levier de vitesse tombe naturellement sous la main et la précision de sa commande vous poussera à aller plus loin, à faire chanter le moteur 2 litres qui offre 95cv DIN à 5000 tours. La voiture pèse 813 kilos en ordre de marche, il y a de quoi se faire plaisir. Le six cylindres bien plus souple que le quatre et la seule modification a été de surbaisser certains de ses accessoires pour qu’ils trouvent place sous le capot. La consommation varie entre 11 et 16 litres, en fonction de l’usage que vous faites du second Stromberg. La boite est bien étagée, si ce n’est que les rapports intermédiaires sont assez longs. Bonne surprise, la première est synchronisée. La vitesse de pointe n’est accessible qu’avec l’overdrive électrique Laycock, une option assez indispensable. Puisque nous faisons le tour de la mécanique, signalons que les freins sont endurants mais demandent un effort assez important et que la direction à crémaillère bien que précise, est un peu lourde à faible allure, le volant se faisant un devoir de vous transmettre dans les bras toutes les irrégularités de la route. La tenue de route est assez bonne, mais il faut tout de même constater un défaut assez sérieux, lié à l'essieu arrière brisé qui supporte très mal les courbes serrées, les sautillements de la roue intérieure faisant parfois croire que le pont arrière est encore plus brisé que prévu!
C’est une belle synthèse de solutions éprouvées dans une voiture très agréable à conduire et à posséder. Elle était de plus d'un prix très abordable, très inférieur à celui d'une Alfa Junior ou d'une MGB GT. Son principe défaut était propre à bon nombre de voitures de sport: elle demandait un ventre de vingt ans et un portefeuille de quarante, mais ça, c’est la vie.
Jacques Bougnet
FICHE TECHNIQUE
MOTEUR 6 cylindres de 1998 cc (74,5x76), compression 9,5 :1, pistons en alliage d’aluminium. Commande des soupapes par tiges-poussoirs. Vilebrequin à 4 paliers embouti en acier. Deux carburateurs Stromberg.
TRANSMISSION arrière, 4 roues indépendantes. Embrayage à diaphragme à commande hydraulique. 4 vitesses synchronisées levier au plancher.
CHASSIS poutre à double support central profilé en U
SUSPENSION avant à pivots triangulaires ressorts hélicoïdaux amortisseurs hydrauliques. A l’arrière, ressort transversal et bras stabilisateurs.
DIRECTION à crémaillère
FREINS à commande hydraulique, disques à l’avant et tambours à l’arrière.
DIMENSIONS: longueur 3,685m, largeur 1,448m, hauteur 1,195m, empattement 2,110m, voie av 1,245m; voie ar 1,220m, diamètre de braquage 7,7m, réservoir d’essence 44,3 litres, poids à sec 813 kg, complet (avec essence, huile, etc) : 865 kg.
PERFORMANCES vitesse maximum 180 km/h.
EVOLUTION DU MODELE
GT6 MK1 1966/1968 modèle de base, 15.818 exemplaires.
GT6 MK2 1968/1970 modif suspension arrière, plus de cv, 12.066 exemplaires.
GT6 MK3 1970/1974 modification de la ligne comme Spitfire MK4, 13.042 exemplaires.