L'Etat français, comme tous les d'autres, a du réflexe. A peine avait-on inventé l'automobile  qu’il inventait… la taxe sur  les  automobiles.  Une réaction assez logique dans un sens, l’Etat cherchant toujours à taxer les objets de luxe et l'auto en était un à coup sûr.

Mais voilà, et c'est encore le cas, l'imposition des  riches n'est pas aussi rentable qu'elle en a l'air, car les riches sont une minorité. Il est donc bien plus rémunérateur de taxer les laborieux à qui on demande moins mais qui sont tellement plus nombreux. Mieux encore, plus l'impôt augmente, plus leur nombre augmente ! Une idée qui est loin d’être neuve, puisqu’elle fait l’objet d’un dialogue célèbre entre Colbert et Mazarin, datant de plus de quatre siècles.

En 1908, 17.107 chauffeurs payaient 772.465 francs de taxe de circulation à l'Etat français, ce qui fait une moyenne de l’ordre de 45 francs par véhicule. Mais bien plus rentable était la taxe sur les bicyclettes, qui, fixée à 8 francs 50, avait le mérite de toucher 1.322.783 personnes.

Telles étaient donc les données du débat en 1908. Les détracteurs de l'automobile trouvaient évidemment que la taxe était insuffisante compte tenu des dégâts occasionnés aux routes et aux nombreuses nuisances liées à l’automobilisme. Les amateurs essayaient de prouver que leur véhicule était à usage professionnel et non un objet de luxe, éternel débat.

Un peu partout, les cyclistes ont disparu et la taxe sur les vélocipèdes à fait de même. Mais qui sait, leur retour sur les routes pourrait un jour susciter l’idée d’une taxe destinée à financer les pistes cyclables…

L'auto, se démocratisant, a fait de sa taxe un impôt "populaire", dans un sens du terme mais pas dans l'autre. Seule est restée la notion de "taxe de luxe", qui donne de par le monde, à quelques centaines de millions d'automobilistes, l'illusion d'être riches...

Jacques Bougnet

Extrait d’une conversation supposée entre Colbert et le Cardinal Mazarin, écrite par Antoine Rault dans sa pièce « Le Diable Rouge ».

Colbert : Pour trouver de l’argent, il arrive un moment où tripoter ne suffit plus.
J’aimerais que Monsieur le Surintendant m’explique comment on s’y prend pour dépenser encore quand on est déjà endetté jusqu’au cou.

Mazarin : Quand on est un simple mortel, bien sûr, et qu’on est couvert de dettes, on va en prison. Mais l’Etat ? L’Etat, lui, c’est différent. On ne peut pas jeter l’Etat en prison. Alors, il continue, il creuse la dette ! Tous les Etats font ça.

Colbert : Ah oui ? Vous croyez ? Cependant, il nous faut de l’argent. Et comment en trouver quand on a déjà créé tous les impôts imaginables ?

Mazarin : On en crée d’autres.

Colbert : Nous ne pouvons pas taxer les pauvres plus qu’ils ne le sont déjà.

Mazarin : Oui, c’est impossible.

Colbert : Alors, les riches ?

Mazarin : Les riches, non plus. Ils ne dépenseraient plus. Un riche qui dépense fait vivre des centaines de pauvres.

Colbert : Alors, comment fait-on ?

Mazarin : Colbert, tu raisonnes comme un fromage ! Il y a quantité de gens qui sont entre les deux, ni pauvres, ni riches.
Des Français qui travaillent, rêvant d’être riches et redoutant d’être pauvres ! C’est ceux-là que nous devons taxer, encore plus, toujours plus ! Ceux-là ! Plus tu leur prends, plus ils travaillent pour compenser. C’est un réservoir inépuisable.